au-milieu-des-autres

Les funambules font des bulles

Jeudi 8 décembre 2016 à 19:58

 Parfois tu ouvres une porte et tu la traverses. Tu arrives dans un pièce au parquet craquelé et tu y reste quelques temps. Tu regardes mais ne touche à rien. Puis tu ouvres une autre porte et tu la traverses. Arrivant dans une nouvelle pièce au parquet, mais ciré cette fois, tu constates un nouveau de choix porte à ouvrir. Le temps de décider laquelle traverser tu profites des lieux sans les explorer à fond. Parce qu'une fois décidée à avancer tu saisis une nouvelle poignée pour une nouvelle traversée. Tu peux faire ça pendant des semaines ou des mois, sans jamais te demander où cela va te mener. Mais il y a des fois sans que ne saches pourquoi, tu te mets à courir et faire demi tour sans en regarder les conséquences. Tu fonces et tu traces à travers toutes les portes qui peuvent s'ouvrir et tu n'hésites pas à les enfoncer. Le vent s'engouffre dans les espaces clos et amene avec lui poussières et rochers. Les parquets qui étaient encore cirés deviennent à leur tour craquelés. Alors, je ne te demanderai qu'une chose, de faire attention aux portes que tu ouvres sans oublier de refermer celles qui n'auraient pas être ouvertes. 

Jeudi 17 novembre 2016 à 16:04

Une bouteille à la mer avec quelques mots pour laisser s'échapper un murmure. Un soupçon de papier pour cette vérité affreuse. J'ai des cris plein la tête mais pas les mains pour les écrire. Jai une vision des choses bien particulière. Lorsque le "nous" m'accroche j'ai envie de monter ces arbres que personne n'ose grimper. Je nous vois l'un et l'autre marchant avec des projets sans fin. L'espérance d'une vie commune a quelque chose de chaud. Je nous aime, je nous aime comme l'attachement charnel qu'il peut y avoir entre deux perruches. Et pourtant je me sens seul. Être seul à deux, c'est absurde, mais c'est pourtant le cas. Compter les jours qui passent à tes côtés sans me sentir accompagné est une réalité à laquelle j'ai du mal à faire face. J'entends tes paroles, elles sont belles et reluisantes comme des promesses. Lorsque je les écoutais elles me réconfortaient, alors qu'aujourd'hui elles résonnent en moi comme le clapo sous un vieux bois. Je t'entends là, et là. Là pour moi lorsque j'en ai besoin ou pour le reste du quotidien. Là pour me redonner le sourire ou là pour aller profiter du beau temps d'à côté. Mais je suis imprégné de cette sensation qu'il n'y a que les sons, que les paroles, que les gestes dont j'aurai pourtant tant besoin sont parfois si loin. C'est la peur qui me saisit et qui m'empêche de voir plus loin. Alors en attendant que tu éclaircisses les lieux, je me contente de te sourire et regarder.. .

Samedi 8 octobre 2016 à 16:29

Parfois je me demande si tu sais comment je te vois, comment je te ressens, ou comment je nous perçois. Parfois je me dis que toucher ton corps serait comme souiller un tableau de Monet. Que l'art, qu'il soit abstrait ou représentatif, reste de l'art quoi qu'il arrive. Que les idées qu'il transmet sont propres à chacun. Et que même le fou qui pénètre dans un musée, aussi malade soit il, ne peut salir le génie du peintre. Parfois au moment d'effleurer ton visage, c'est comme si dix mille tonnerres grondaient au même instant. Comme si au fond de moi, le cri du vide raisonnait. Que les tremblements qui suivent font autant de dégâts que le déclenchement d'un conflit. Que les hommes armées de pelles ou de fusils n'ont qu'un rôle terminé. Que les guerres enclenchées et qui ne termineront jamais, n'ont que le bruit sourd du désarroi pour me perturber. Parfois je comprends pourquoi lorsque tu souris, y a-t-il autant de peur qui s'animent. Que les incertitudes du lendemain sont parfois si insoutenables, que chercher une excuse en devient une habitude. Que la réalité aussi douce soit elle, rappelle autant le chlore appliqué sur une plaie ouverte. Que le claustrophobe qui s'agite en moi, veut ouvrir toutes les portes et s'échapper. Que le courage de l'homme devant ses angoisses devient naturel pour sauver son avenir. Parfois je m'espère te voir un jour en verser. Les larmes amoureuses sont aussi réelles que les lumières des cieux. Que si les astronautes cherchent les réponses dans l'infinie, moi je cherche à me perdre au fond de tes yeux. Que si l'infinité du temps et de l'espace sont aussi absurdes que la création, rien n'empêche ces hommes d'en vouloir plus. Et que même s'il demeurera des secrets enfouis à jamais, je suis prêt à jouer tout en restant à ma porté. Parfois lorsque tu murmures, j'ai l'impression de m'égarer. Que j'ai beau vouloir être cet aventurier, à toi toute seule tu me perds au milieu du désert. Que les plus courageux et les plus téméraires ont besoin de repaires pour les traverser. Que t'écouter c'est s'évader jusqu'à s'en évaporer. Que tu arrives à transformer en source, l'eau glacée qui gèle les membres. Parfois je nous imagine sur cette route dont on ne cesse de parler. Qu'aller à l'autre bout du monde pour rouler, a beaucoup plus de sens que les directions qui nous sont indiquées. Qu'avaler les kilomètres un à un, c'est rajouter autant de raison d'aller vers l'avenir. Que les paysages qui défileront seront autant de tableaux à peindre. Que la fatigue du trajet sera une force insoupçonnée à notre complicité. Parfois je me dis que c'était écrit. Qu'importe les issues qu'on aurait pu prendre, de toute manière on aurait fini par la prendre. Qu'importe le temps qui aurait perduré, il y a une seconde où on se serait trouvés. Que malgré les parcours il y aurait eu ce saut qui nous aurait fait tomber, l'un sur l'autre. Et que même si tu tombais en marchant devant moi, j'aurai fini par te rattraper. Parfois je me demande, si un jour tu sauras comment je te vois, comment je te ressens, ou comment je nous perçois...

Dimanche 2 octobre 2016 à 20:56

En m'annonçant sur le pallier je ne savais quel pied avancer. Face à cette maison de pierre particulière, j'avais le souffle à l'arrêt. C'est en entrant derrière toi que j'ai franchi l'obstacle. En pénétrant ces murs je me suis apaisé. Les lieux en eux même avaient le pouvoir d'étouffer les maux. Dés l'instant où la porte était franchie on s'affranchissait du passé. L'atmosphère qui y régnait redonnait à l'esprit le souffle épuisé. Les vitraux ont longtemps obnubilé mes regards, sans doute dû à la manière dont la lumière arrivait à les pénétrer. L'odeur aussi avait toute mon attention, on pouvait y respirer la sérénité. La simplicité du rendez-vous nous a fait asseoir. Discuter de longues minutes sur ces bancs rustiques me rapprochait encore plus de toi. T'étreindre dans la maison de Dieu était si tentant. Mais c'est en partant que cette visite allait prendre tout son sens. Jamais un seul instant, jamais auparavant, je ne m'étais imaginé faire un si grand saut. Tu m'as pris par le bout du bras et nous as dirigés vers les autels de prières. Devant nombre de ces bougies j'étais déjà hors de moi. Toutes ces flammes qui brillaient pour des pensées ou souhaits, toutes ces mèches qui se consumaient en guise d'espoir, toutes ces attentes adressées à un unique Saint; me faisaient relativiser sur la nature des choses. Et dans cet endroit tu m'as murmurer d'allumer un cierge. Chose que je n'avais jamais faite, chose que je ne savais pas comment faire. L'idée me plaisait bien, mais j'étais perdu. Je voulais le saisir pour voir ce qui allait se produire. Je voulais le brûler parce que, ce que j'imaginais impensable me paraissait maintenant comme une évidence. Comme si, jusqu'à maintenant, j'avais attendu le bon moment pour effectuer le geste. Comme si, jusqu'à maintenant, il ne fallait que la bonne personne pour m'y pousser. Me voyant à l'agonie dans mes pensées, tu m'as ordonné de poser ma main sur la tienne et de me laisser guider. Je ne répondais plus de moi, j'étais incapable de bouger. Tu as glissé la tienne sous la mienne que j'ai senti si légère. Je ne savais pas quoi dire et je ne disais rien. J'attendais la suite mais je voulais que ça dure une éternité. Tu as dirigées nos membres vers un cierge avec l'unique vue de le saisir. C'est avec ta main dans la mienne que j'effectuais mon premier pas. Te savoir à côté me donnait l'immunité. Ni indigne, ni souillé je ne me ressentais; au contraire, j'étais ouvert et sincère. Quand tu l'as attrapé j'étais transpercé, des pieds jusqu'à l'esprit des frissons m'ont envahi. Je me sentais partir, comme si l'éther lui même m'enivrait. Je ressentais l'abondance des émotions et la rareté du moment. Lorsque tu m'as commandé de faire un voeux, j'ai perçu nos mains en fusion sous le lumignon. La chaleur se rependait dans mes extrémités, jusqu'à atteindre mes secrets les plus enfouis. Mes valeurs repoussaient les limites que je leur avais fixées. Je voyais en moi ce que je n'osais pas apercevoir. J'entrais dans un autre monde à ta seule initiative. Au moment où tu l'as allumé c'était une consécration, un mouvement vers l'inconnue d'une destination. C'était un dialogue entre toi, moi, et notre avenir. Je me consumais à l'écart des regards indiscrets. Seule l'imminence comptait, rien autour ne pouvait me toucher. Je ne voulais pas m'en aller, je voulais rester. Comme si en étant figé, le moment pouvait perdurer. C'est ta voix qui m'a rappelé à la raison, mais c'est ta voix qui m'a fait comprendre, que ce voyage d'ailleurs on l'avait fait ensemble, que nos voeux étaient sans doute les mêmes, et que jamais je ne pourrais oublier cette traversée...

Dimanche 2 octobre 2016 à 17:47

Le fou qui balance au bord du clavier s'imagine qu'il ne peut tomber. Il marche et enfonce les blanches une à une. À la manière de l'ivresse il se met à composer. Dièse ou fa peu importe, les sons produits n'ont d'élégances que dans son esprit. Seul à les entendre, c'est un fait qu'il ne veut changer. Les notes éphémères sont une manière de transformer les pensées en absurde. C'est rejeter son être sur une toile vierge, user des notes à la place des couleurs. Comme des éclats de peintures qui volent dans tous les sens, le maître du tableau est son corps qu'il ne contrôle plus. Sans apprentissage, le décryptage de la partition est impossible. Mais peu importe, jouer soi même l'auteur et le spectateur ne le dérange pas; après tout, il n'est qu'un fou qui tape sur des blanches. Le dessin qui résonne comme un enchaînement de fausses notes, n'est peut être pas ce qu'il indique en réalité. Certes, dans l'harmonie de l'abstrait le chaos règne, mais il s'illustre en hôte exemplaire. Demeurant la clé d'un savoir inconnu, seul le fou sait comment son écriture musicale devient une relation. Lui seul vous dira comment entrer en dualité; à condition qu'il s'en souvienne... Quoi qu'il en soit la tâche n'est pas si aisée, il y met toute son énergie à chaque coup de crayon. C'est que la marche est longue, et qu'être si petit dans un clavier si vaste n'arrange pas les choses. Alors à la fin de son récit il titube, fléchi les membres, surtout le genou, et tombe. L'ivresse des sons est infernale. Avec les forces qu'il lui reste il s'appuie sur une noire pour se relever, soulève son poids jusqu'à l'enjamber. D'un pas souple aux pieds joints il passe par dessus l'obstacle. À la réception il se rend compte de l'immensité de l'espace restant à couvrir. Face à la quantité il clos le chapitre avant de se laisser aller. Buvant une dernière gorgée de sa bouteille fétiche, il médite sur le vent qui lui souffle aux oreilles. Décidant de laisser son sort au hasard il ne répond plus de rien. Dos au vide il apprécie le mets délicieux qu'il a en bouche. Un tour de langue et tout est merveilleux. Avaler c'est se lâcher. Face au courant, son corps qui bascule d'avant en arrière fait décoller ses talons puis ses pointes de pieds. Écartant les bras il embrasse ce qu'il ne peut empêcher. Comme si le poids de toutes ses pensées non transformées en partition venait s'ajouter, la gravité finit par le traîner dans une chute vertigineuse. Tête en bas il ressent la liberté au bout doigts. La distance entre l'écriture et la bêtise se réduit, il ne pense plus à rien. Comme si cette dernière chute aurait le même effet qu'un livre entier de fa ou dièse. Il va se fracasser sur le sol c'est inévitable. Il ne restera que ses bouts de papiers dont personne ne comprend, et ces notes jouées sans que personne ne les entend. Ce n'est pas grave, il va se fracasser sur le sol et s'en réjouit. Mais soudain, avec stupeur, il aperçoit ce petit oiseau qui s'était posé là, juste un peu auparavant, juste en haut du piano, perché, et qui avait l'air d'apprécier la mélodie. Peut être la nature venait-elle enfin de lui offrir un public ouvert. Ou peut être était-ce l'œuvre du vent qui le fit planer ici. Peu importe, il va se fracasser au sol, et c'est inévitable. Alors juste avant l'impact, il lui sourit, lui adresse un petit clin d'œil, et lui murmure "à tout à l'heure".

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